Restructuration de la dette d'Altice : trois questions sur un potentiel rachat de SFR et les conséquences pour les clients

La restructuration de la dette d'Altice ouvre la voie à une vente de l'opérateur SFR, qui intéresse déjà plusieurs racheteurs potentiels. Pour les salariés et les millions de clients, l'avenir s'annonce incertain.

Article rédigé par franceinfo
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SFR intéresse de nombreux opérateurs télécoms. (ERIC PIERMONT / AFP)
SFR intéresse de nombreux opérateurs télécoms. (ERIC PIERMONT / AFP)

Vers un grand chamboulement dans le monde des télécommunications. Le plan de sauvegarde proposé par Altice France a été validé par le tribunal des activités économiques à Paris le lundi 4 août. Ce plan prévoit de restructurer et d'alléger la montagne de dette du groupe. Les syndicats ont annoncé vouloir faire appel de cette décision. Cette décision ouvre la voie à une future vente de SFR.

Pourquoi se dirige-t-on vers une vente ?

Avec ce plan de sauvegarde, Altice s'attaque à sa dette abyssale. Elle va passer de 24,1 à 15,5 milliards d'euros. En échange de l'abandon de cette dette, les créanciers, dont le fonds d'investissement BlackRock, vont obtenir 45% du capital des entreprises. Patrick Drahi conserve les 55 % restants. Cette baisse de plus de huit milliards d'euros était attendue par de nombreux potentiels acheteurs de la filiale SFR. Chez Altice France, on assure qu'"aucune offre, pas même indicative n'a été reçue" pour un rachat de SFR, mais les concurrents se frottent déjà les mains. La restructuration de la dette d'Altice apparaissait comme "une condition préliminaire" à d'éventuelles discussions, selon Christel Heydemann, la directrice générale d'Orange.

"Patrick Drahi se met en position d'une cession éventuelle", confirme mardi à franceinfo Stéphane Dubreuil, économiste et spécialiste des télécoms. "Avant, les différents opérateurs avaient dit : 'Avec un endettement comme ça, on n'achètera jamais SFR.' La première étape était donc la restructuration purement financière. On risque désormais d'entrer dans un cycle pour une éventuelle cession totale ou partielle." Même son de cloche chez les syndicats de chez SFR. "Il ne faut pas avoir fait Saint-Cyr pour comprendre ce qu'il se passe, note Abdelkader Choukrane, le responsable du syndicat majoritaire, Unsa. Vu les déclarations, ils sont pour la consolidation et une offre de rachat."

Qui pour racheter SFR ?

Plusieurs acteurs sont dans les starting-blocks. Il y a d'abord le scénario à 100% français avec une cession totale ou un découpage entre les trois concurrents de SFR : Orange, Free (Iliad) et Bouygues. Le découpage des clients et du réseau semble une option privilégiée pour passer l'obstacle de l'Autorité de la concurrence. Orange était le leader incontesté du secteur, ce sont plutôt Bouygues et Free qui seraient les grands gagnants de l'opération. "Orange, pour une raison de position dominante, n'a pas la possibilité de prendre des actifs importants", affirme l'économiste Stéphane Dubreuil. En coulisse, les négociations entre les trois derniers opérateurs ont même débuté, confirme Christel Heydemann, lors de la publication des derniers résultats trimestriels d'Orange : "En effet, des discussions préliminaires sont en cours entre les opérateurs. Nous pensons qu'il y a un besoin de consolidation tant en France qu'en Europe."

SFR pourrait intéresser un investisseur étranger. Des opérateurs ou des fonds d'investissement étrangers pourraient se positionner notamment en provenance du Moyen-Orient. On peut penser à Etisalat, l’opérateur aux Émirats arabes unis ou le saoudien Saudi Telecom Company. "Il faut savoir que le Moyen-Orient essaye de diversifier au maximum son économie qui est très dépendante de la rente pétrolière, assure Stéphane Dubreuil. Ils investissent que ce soit dans le tourisme, dans les nouvelles technologies, mais également les opérateurs télécoms, un actif qu'ils regardent assez souvent." Cette possibilité est surveillée de près par le gouvernement. "Si d'aventure des acteurs étrangers s'intéressaient à SFR", le gouvernement serait "préoccupé" par "des enjeux de souveraineté", a prévenu le ministre de l'Industrie Marc Ferracci mardi sur CNews et Europe 1.

Quels changements pour les abonnés et les salariés ?

SFR reste l'un des acteurs majeurs du monde des télécoms en France. Selon BFMTV, Orange dispose à ce jour de 32% des parts de marché sur les box internet, Free 25% et Bouygues de 15%. Chez SFR, il y a 6 millions d'abonnés (soit 24%). La filiale d'Altice possède aussi près de 20 millions d'abonnés mobiles. Si plusieurs opérateurs se partagent les parts du gâteau SFR, les abonnés pourraient connaître une nouvelle marque. La migration sera forcée, mais la suite reste floue. Dans tous les cas, si le prix des forfaits augmente, cela permettrait de résilier le contrat sans frais.

Et pas de risque d'une montée des prix pour les forfaits en cours avec le passage de quatre à trois opérateurs, note Stéphane Dubreuil, spécialiste des télécoms : "Généralement quand vous réduisez le nombre de concurrents, vous avez les prix qui remontent. C'est la théorie. Mais on a une spécificité en France avec un acteur comme Free qui n'a pas l'intention de remonter ses prix. Ils sont stables depuis des années. Il est plus facile en revanche de faire remonter les prix pour les marchés des entreprises, plus rentable."

Du côté des syndicats chez SFR, l'inquiétude monte face à une possible vente. "S'il y a une vente à la découpe chez Orange, Bouygues et Free, la casse sociale risque d'être très importante, souligne Abdelkader Choukrane, le responsable du syndicat majoritaire l'Unsa. Ce qui intéresse les acheteurs, ce sont nos clients grand public, nos clients entreprises ainsi que nos infrastructures et nos licences ou fréquences. Mais, pour les salariés, ils en ont déjà. Il pourrait y avoir des doublons." Il y a un risque important, confirme Sébastien Dubreuil, mais il rappelle que tout dépendra "de la découpe de SFR" si plusieurs opérateurs sont acheteurs. "Il y aura alors de l'optimisation."

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